
Résumé
En France, la majorité des espaces périphériques sont des grands ensembles HLM construits et régentés par la puissance publique durant les Trente Glorieuses. Depuis les années 1990, les institutions gestionnaires de ces logements, les organismes HLM, se sont engagées dans un processus de managérialisation de leurs activités. Au nom de la participation des habitants, de l’amélioration de la qualité de service et de la réduction des coûts de gestion, les bailleurs sociaux multiplient les dispositifs d’« innovation sociale » qui cherchent concrètement à transférer certaines de leurs responsabilités aux locataires. Dans cette sémantique de l’« expérimentation sociale », les personnes logées ne sont plus seulement appréhendées comme de simples occupants d’un logement, mais sont incitées à devenir des entrepreneurs de leur destin professionnel et résidentiel. À partir de l’analyse d’un projet européen mené dans une région économiquement sinistrée du Nord de la France, cet article montre comment cette injonction à devenir acteur de son cadre de vie conduit les pouvoirs publics à transformer l’habitat social en espace de travail, et altère, de ce fait, le sens politique de l’engagement des locataires dans la gestion de l’habitat.
Mots clefs : habitat social ; quartiers populaires ; innovation sociale ; micro-entreprise ; gouvernance.