Projet scientifique
Axe 2 : Justice et inégalités (2016-2024)

Journée d’étude « L’image de la ville. Au coeur des changements sociaux »

Le 14 décembre 2022 à l’Université Paris-Nanterre

La journée d’étude « L’image de la ville au cœur des changements sociaux » est organisée par des étudiants en master de sociologie (Université Paris Nanterre) et Sylvaine Conord (Université Paris Nanterre, UMR LAVUE CNRS 7218) en partenariat avec le département et le master de sociologie de l’université Paris Nanterre.
Elle aura lieu le 14 décembre 2022 à l’université Paris Nanterre en salle D201, bâtiment Lefebvre (D).

Résumé

Sociologues, géographes, anthropologues, historiens ou encore urbanistes partagent l’intérêt de l’usage d’images fixes et animées, dans leurs travaux sur l’espace urbain. Si l’intérêt de l’image, voire de la mise en récit comme moyens de représentation fait débat en sociologie, son usage scientifique renvoie à une réalité interdisciplinaire comme à l’image des Urban studies (Fassin Didier, 2014). Les changements morphologiques induits par les politiques urbaines, les phénomènes de gentrification et de relégation, les luttes politiques, culturelles et artistiques de réappropriation sont autant de thématiques qui seront abordées. Ainsi, nous formulons trois axes : La morphologie urbaine et la politique urbaine, le processus de gentrification, et l’image comme illustration et moyen de luttes urbaines.

Programme :

https://www.lavue.cnrs.fr/IMG/pdf/j...

  • 10h - Accueil des participants
  • 10h30 - Introduction
    Sylvaine Conord, maîtresse de conférences, université Paris Nanterre, UMR LAVUE (CNRS 7218)
    Des étudiantes et étudiants du master 1 sociologie, co-organisateurs, université Paris Nanterre
    Discutante Simona Tersigni
  • 10h45 - Andréa Eichenberger, photographe, docteure en anthropologie, ARPIA.
    Les fresques : un projet artistique reliant photographie, sciences sociales et littérature pour penser la ville.
  • 11h30 Christine Louveau de la Guygneraie, maîtresse de conférences (IUT, Évry, Paris-Saclay)
    Ici y’a pas la guerre, présentation d’un film de Jean Arlaud et Annie Mercier sur le quartier de la Goutte d’Or.
  • 12h30 - Déjeuner sur place
    Discutante Leïla Frouillou
  • 14h - Yaneira Wilson, post doctorante (UMR LAVUE, CNRS 7218)
    Storytelling des opposants dans les manifestations vénézuéliennes. Images et récits pour la création de la figure du héros.
  • 14h45 - Alice Lancien, doctorante en urbanisme et aménagement (direction Marie-Hélène Bacqué), université Paris Nanterre, universitat autonoma de Barcelona.
    L’apport de la vidéo dans l’analyse des processus de gentrification au prisme des jeunesses populaires.
  • 15h30 - Florine Balif, maitresse de conférences à l’École d’Urbanisme de Paris, chercheure au Lab’urba.
    Représentations de l’évolution des grands ensembles à partir des cartes postales.
  • 16h15 - Philippe Alcoy (O’ Phil des contrastes), photographe indépendant.
  • 17h00 - Clôture

Argumentaire

La ville n’est pas sans difficulté à définir. Nous pouvons considérer qu’elle renvoie à deux réalités. Elle est conçue statique, et délimitée dans des cadres matériels (Stébé, Marchal, 2010). Il s’agit ici d’une définition qui semble ne prendre en compte que le bâti de la ville. Néanmoins, penser la ville sans les rapports sociaux serait un écueil. La ville est dynamique et recoupe des individus, des groupes sociaux, des relations ainsi que des interactions (Stébé, Marchal, 2010). De plus, il semble important de complexifier le phénomène de densification, particulièrement visible en ville, que Durkheim met en évidence (Durkheim, 1893). Si l’urbanisation s’impose aux groupes sociaux, il convient de souligner que la ville est également transformée et appropriée par ses usagers (Stébé, Marchal, 2010). Les représentations sociales de la ville participent pleinement à sa définition. Ces représentations peuvent être contradictoires et diffèrent selon les groupes sociaux. Elles construisent alors ce que l’on peut appeler l’image d’une ville, ici comprise comme une image mythifiée, une image imaginée d’un lieu. Ces images encrent et condamnent parfois la ville à une seule représentation dont elle ne peut plus s’extraire (Yagoubi, 2010). Ces représentations, bien que produites par les usagers mêmes, sont également produites par les politiques urbaines. Produisant des contradictions, il semble que la gentrification soit un processus social particulièrement éclairant sur ces confrontations de représentations. D’après certains géographes, la gentrification désigne les processus par lesquels une population aisée investit des quartiers défavorisés, provoquant alors une augmentation des prix immobiliers (Bourdin, 2008), et qui a pour conséquence de reléguer les classes défavorisées à la périphérie de ces quartiers. La morphologie urbaine est l’étude des formes urbaines, elle vise à étudier les tissus urbains au-delà de la simple analyse architecturale des bâtiments et à identifier les schémas et structures sous-jacents. Les changements morphologiques urbains sont alors pleinement sociaux lorsque l’on considère que la gentrification consiste en une « rénovation urbaine à dimension classiste » (Smith, 2003 : 64). Dès lors, lorsque plusieurs groupes sociaux investissent différemment des lieux, les confrontations peuvent mener à des luttes de réappropriation qui ne sont pas à négliger au sein du phénomène urbain.

Observer les changements sociaux relatifs à l’urbain suggèrent le support visuel. En effet, l’image n’est-elle pas indispensable pour témoigner des changements morphologiques urbains ? Néanmoins, il convient de rappeler que l’archive visuelle en tant que telle n’est pas explicative, et est nécessairement interprétée subjectivement car l’image est toujours au cœur des rapports sociaux.

Il est défini trois axes pour traiter de cette problématique :

  • La morphologie urbaine et la politique urbaine

La morphologie urbaine et la politique urbaine sont intriquées et demandent un examen rigoureux pour en saisir les liens. La politique urbaine participe de la production des changements sociaux et la morphologie urbaine apparait comme un témoin de cette politique. Dans de nombreux pays, l’étude de la morphologie urbaine révèle des « morphologies contrastées », segmentées spatialement et socialement. Par exemple les images de cohabitation entre buildings luxueux et favelas ne sont pas rares (Carrière, De la Mora, 2014). Les politiques urbaines participent activement de cette fragmentation de l’espace urbain. Les pouvoirs publics favorisent la spéculation foncière, donc des acteurs privés, sur ces territoires jusqu’à repousser les populations précaires en périphérie. Les chercheurs mettent d’ailleurs en évidence ces phénomènes grâce à des photographies illustrant le caractère rudimentaire des installations des populations marginalisées (Choplin, Ciavolella, 2008). Les photographies apparaissent alors comme un moyen d’illustrer et de démontrer ce que les politiques urbaines produisent sur les populations. Il se peut même que certains chercheurs utilisent ces photographies en vue de les dénoncer. Plus récemment, de nombreuses stratégies sont mises en place pour développer durablement l’urbain. Les projets d’écoquartiers en font partie. Ceux-ci sont considérés comme une régénération de quartiers industriels et paupérisés. Il apparait que le tournant néolibéral des années 1980 ait impacté les politiques urbaines en ce qu’elles souhaitent gérer les villes sur le modèle entrepreneurial. Dès lors, le souci de rendre les villes durables s’inscrit dans une logique néolibérale visant à augmenter l’attractivité et la compétitivité (Beal, Charvolin, Morel Journel, 2011). L’écologie apparait comme une justification des politiques urbaines et des investisseurs privés pour évincer les populations populaires et ainsi accentuer l’aspect sécuritaire. Notre intérêt ici est de prendre en compte le fait que des politiques dites écologiques ont en leur sein des objectifs qui dépassent la protection de l’environnement au profit des logiques de marché et qui ont une grande incidence sur le paysage urbain (Benites-Gambirazio, 2012). Dès lors, les politiques urbaines modifient effectivement les morphologies urbaines et sociales et ont de grandes conséquences sur les populations concernées.

  • Le processus de gentrification

Facilitée par les politiques urbaines, la gentrification est également un processus résultant d’appropriation d’un lieu par des groupes sociaux. Les processus de gentrification tiennent une place importante dans ces transformations en tant qu’ils modifient à la fois la composition de la ville, sa morphologie et son apparence. Si la gentrification est souvent pensée comme une rénovation urbaine, elle est indéniablement sociale en ce sens qu’elle semble revêtir l’aspect d’une lutte pour l’appropriation d’un territoire. Il sera donc particulièrement pertinent de traiter des ressorts de la gentrification et de ses résistances. En effet, les espaces urbains peuvent être investis par les classes populaires pour masquer la gentrification en cours et, freiner, parfois de manière inconsciente, l’appropriation de ces espaces urbains par les classes moyennes et supérieures. Or, ces résistances non-organisées suscitent l’intervention des acteurs publics et l’activisme de la classe des gentrifieurs pour revendiquer l’accès à ces espaces. Les différentes photographies mobilisées par les chercheurs permettent de rendre compte de ces résistances mais également de la manière dont la gentrification modifie visuellement et socialement le paysage urbain (Clerval, 2011). Il sera tout aussi intéressant d’interroger les phénomènes des friches qui permettent d’envisager la réappropriation de l’espace urbain sous un autre prisme, à l’entrecroisement des investissements des acteurs formels et informels (Ambrosino, Andres, 2008). Ces dynamiques de réappropriation sont de réels moyens de luttes.

  • L’image comme illustration et moyen actif de lutte politique

L’iconographie des luttes urbaines témoignent de son importance au sein de la ville. Les luttes collectives pour l’interprétation des images sont des moments clés dans la politisation de l’espace urbain. Par l’approche narrative associée à l’image, c’est toute la problématique du diagnostic framing14 qui est centrale dans la formation des mouvements sociaux (David, A., Snow., E., Burke, Rochford., Steven, K., Worden., Robert, D., Benford, 1986) dont la perspective est plus ou moins constestataire. L’image de la ville est un témoignage des bouleversements spatio-temporels sur la longue et moyenne durée, elle est au cœur des rapports sociaux, notamment à travers les luttes symboliques. Ainsi Martin A. Berger introduit aussi un point d’entrée intéressant dans les débats méthodologiques sur l’utilisation des photos comme source historique (Berger, 2020). L’image peut être un moyen pour les professionnels de l’urbain d’ouvrir un dialogue avec les habitants dans le cadre de projets participatifs de rénovation de quartiers (Mamou, 2013). Par ailleurs, l’image, dans une acception plus large – les fresques ou encore les graffitis –, est un moyen de lutte artistique et politique pour résister à la gentrification et aux politiques urbaines (Epstein, 2013 ; Botero, 2012). Enfin, l’image dématérialisée représente tout aussi bien un moyen de protestation s’inscrivant dans les luttes urbaines. Le mouvement des Gilets Jaunes a mobilisé la photographie et la vidéo comme de réels outils afin de rendre visibles des violences et des luttes qui se matérialisent dans l’espace urbain (Gunthert, 2020). Étudier l’image comme moyen de lutte permet d’aborder la question plus générale de la place des images dans les différents rapports sociaux. Les luttes collectives pour l’interprétation des images urbaines sont des moments clés dans la politisation de l’espace urbain.

Toutes les informations sont disponibles sur Calenda : [https://calenda.org/1024999]

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